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Bref apperçu de la vie d'un écrivain de science-fiction hors normes :

Philip Kindred DICK


Pour bien comprendre ses livres, il est nécessaire d'avoir une idée assez précise de la vie qu'il a menée ... C'est pourquoi je vais commencer par une p'tite biographie.

Sa vie


Sa vie : Né le 16 décembre 1928 à Chicago, Philippe vint au monde avec sa sœur Jane : ils étaient Jumeaux. Mais un mois plus tard, Jane mourut. A 5 ans, ses parents divorcent et Philip en souffrira toute sa vie. Son père part et il ne le reverra que très rarement. Il s'installe avec sa mère à Berkeley, en Californie, ou il vivra toute sa vie. C'est un enfant calme, solitaire, et dès l'âge de 12 ans, il aimait déjà ce qu'il allait faire toute sa vie : écouter de la musique, lire et taper à la machine !

Il collectionnait des magazines qui sous couvert de vulgarisation scientifique, faisait place à la science fiction : Astounding, Amazing, Unknown ...
Il lisait aussi Edgar POE et H.P. LOVECRAFT .

Anecdote:
A un moment, il fit un rêve étrange, à plusieurs reprises. Il se voyait chez un libraire entrain de chercher un numéro d'Astounding qui lui manquait, Il y avait dans cette revue une nouvelle intitulée. "L'empire n'a jamais pris fin". S'il pouvait la trouver et la lire, il pourra tout savoir Mais, à chaque fois, il se réveillait avant d'avoir pu trouver le numéro tant recherché. Puis ce rêve lui passa, avec le regret de ne pas connaître tous les secrets du monde !

Il vivait seul avec sa mère et leurs sujets de discussion favoris étaient les livres, les maladies et les médicaments. Sa mère possédait une pharmacie très complète et très ouverte aux nouveautés : tous les premiers tranquillisants apparus après la guerre y eurent leurs places, essayant thorazine, valium, librium... comparant les torpeurs qu'ils produisaient, et les vantant à son entourage.

Il fut aussi très fasciné par la propagande de Goebbels.

Puis, il commença à s'intéresser aux filles, mais sans succès, car trop timide, toujours dans son coin et l'osmose qui l'unissait à sa mère en pâtissait : du coup, elle décide de l'emmener chez un psychiatre, il avait 14 ans ! Et ce fut le premier d'une série presque ininterrompue jusqu'à sa mort.

Il subit beaucoup de tests et appris à les déjouer : il savait deviner les réponses qu'on attendait de lui, quel dessin reconnaître dans telle tache d'encre ... et ainsi, il fut à volonté normalement normal, normalement anormal, anormalement anormal, anormalement normal (son triomphe) et à force de varier les symptômes, il fit tourner chèvre son premier psychiatre !

Plus tard, il se maria à KLEO en 1950, (il avait alors 22 ans) une fille brune, d'origine Grecque, la première d'une série de cinq ...

Il fit aussi la connaissance d'un écrivain de science-fiction qui jugea prometteur une nouvelle écrite par Philip : "roog"
On y voit un chien poursuivre des éboueurs de ses aboiements parce qu'il a deviné que ce ne sont pas de vrai éboueurs, mais des extra-terrestres qui commencent par enlever et analyser les déchets des Terriens avant, devine-t-on, d'enlever les Terriens eux-mêmes.
Ce texte fut publié dans un journal et il lui fut payé. Dick en conclut qu'on pouvait gagner sa vie ainsi. Il s'établit écrivain à plein temps et prit un agent.
En 1952, il vendit quatre nouvelles, trente en 1953, vingt-huit en 1954 et en 1955 parut sa première anthologie et son premier roman .

Les principaux faits importants de son enfance qui se retrouvent dans ses romans et ses nouvelles sont :
-la "disparition" de son père lorsqu'il a 5 ans,
-son expérience des médicaments et des drogues,
-son expérience des psychiatres et psychanalystes,
-son agoraphobie (peur des grands espaces),
-la propagande de Goebbels.

Dans les années 50, il Y avait 2 genre de sciences-fictions:

-les "space-opéras" : On y voyait de courageux terriens défaire des hordes de mutants venus d'ailleurs; ce n'était que combats de titans, épreuves initiatiques, démonstration de pouvoirs surnaturels. ( Van Gogt, Ron Hubbard ...)
-et les sciences-fictions qui retenaient surtout le premier terme et visait avant tout à peindre le futur avec exactitude.

Rien ne portait Dick spontanément vers ces formes d'imagination bravache ou technologique mais il s'y sacrifia cependant à ses début, écrivant des space-opéras et, s'abonnant à diverses revues de vulgarisation scientifiques pour se tenir au courant.
Puis vers le milieu des années 50, une nouvelle tendance se fit jour, où il se sentit nettement plus à l'aise. Des auteurs (Brown, Matheson ...) se mirent à publier des récits d'un humour sec et noir, ancrés dans un quotidien que les intrigues tordues faisaient verser dans le cauchemar. Récits à chute le plus souvent, construits en vue d'un retournement final qui brouillait les repères et sapait sournoisement l'ordre des choses. C'est l'époque de la Quatrième Dimension et des envahisseurs.
Deux ans plus tôt, il avait publié une nouvelle dans cet esprit: "The Father-Thing" :
C'est l'histoire d'un petit garçon persuadé que son père a été remplacé par une créature monstrueuse. Plus la ressemblance est exacte, plus la substitution semble certaine à l'enfant; et, tandis qu'il cherche dans l'incinérateur du garage les restes de son vrai père, l'imposteur. au salon, se plaint à sa mère de l'excessive imagination de leur fils !

En ces temps de guerre froide, il se sentait soupçonné d'être communiste et d'être un agent infiltré aux Etat Unis. Depuis les années trente, Berkeley était la capitale rouge des Etat Unis. Un jour de l'hivers 1955, on sonna à sa porte : deux types se présentèrent et brandirent leurs cartes du FBI. Ils lui posèrent des questions afin de savoir s'il était effectivement communiste et revinrent toutes les semaines. En partant, ils laissaient des formulaires qu'ils reprenaient la fois suivante. Ils les présentaient comme des sondages d'opinion alors qu'à l'évidence, c'était des tests, destinés à établir jusqu'a quel point les gels pensaient correctement. Les questions rappelaient celles que posent les services de l'immigration à l'entrée du pays .
- Etes vous terroriste, toxicomane ? communiste ? ...

Plus elles semblaient idiotes, plus augmentaient les chances, selon DICK, qu' elles cachent des pièges.
Par exemple, on donnait le choix entre ces trois énoncés :

la Russie 1) s'affaiblit , 2) se renforce , 3) reste à peu près au même niveau que le monde libre.

Naturellement. il convenait de cocher la case 2 pour montrer que l'on partageait l'inquiétude des dirigeants du pays. Mais la question suivante rendait suspecte la première :

La technologie russe est 1) très bonne , 2) correcte , 3) nulle .

En optant pour la case 1. on avait l'air de complimenter les cocos. La 2 semble être le meilleur choix. la 3, d'un autre Côté, invitait tout citoyen bien-pensant à la cocher sans réfléchir. qu'attendre de mieux de brutes slaves enchaînées qu'une technologie nulle ?

Mais, dans ce cas, comment est-ce qu'une nation technologiquement nulle pouvait se renforcer sans cesse ?
Par bonheur, la réponse était sous-entendue dans la question 3 :

le plus grand ennemis du monde libre est 1) La Russie , 2) notre niveau de vie élevé , 3) les éléments secrètement infiltrés parmi nous .

Donc, si l'on comprend leur démarche, il convenait de cocher la 3...

Dick se demandait si on pouvait démasquer quelqu'un de cette façon... mais, lui qui avait déjà l'habitude des tests psychiatriques, se demanda s'il était possible de créer des tests infaillibles.
Puis, il se demanda s'il était possible de créer des robots intelligents, capables de penser comme un homme. Ou plutôt, si l'on préfère, qu'est-ce qui, dans notre façon de penser et d'agir peut être qualifié de spécifiquement humain ?
Il découvrit un article fondateur écrit en 1950 par un mathématicien Anglais, Alan Turing, qui propose de s'en tenir pour décider si une machine peut penser comme un homme, à un critère unique :

est-elle capable, ou non, de faire croire à un homme qu'elle pense comme lui ?

Le phénomène de la conscience ne peut s'observer que de l'intérieur, Je sais que j'en ai une mais qui me dit que les autres en ont une ? On peut juste le juger par le comportement, les mimiques ... et si un robot était programmé pour faire tout cela, au nom de quoi pourrait-on lui refuser son "brevet" de penser ???

Le test se passe avec un examinateur humain, un candidat humain et un candidat-machine. L'examinateur doit découvrir qui est l'homme et qui est le robot, en posant des questions à l'un et l'autre.
A la fin, si l'examinateur se trompe dans son verdict, la machine a gagné. On est alors forcé d'admettre qu'elle pense.

Le test de Turing devint un des dadas de Dick. Dans son roman "do androïds dream of electrics sheeps" connu en France sous le nom de Blade Runner, Dick raconte l'histoire de fonctionnaires spécialement chargés de détruire des androïdes qui menacent la sécurité du pays.
Ces Blade runners ont la hantise de la bavure, vu la difficulté d'identifier les androïdes. Pour réduire le risque de pulvériser au laser un être humain, ils soumettent les suspects à des tests dont ils craignent qu'ils soient déjà trop vieux et que les robots les connaissent déjà ...
De plus, il apparait un autre problème : les schizoïdes pensent plus qu'ils ne ressentent. Ils ont du monde et de leur discours une compréhension purement intellectuelle, abstraite ....
le schizoïde combine inlassablement des lettres, 26 s'il est humain, 2 s'il est une machine (le 0 et le 1 ) .
En somme, un schizoïde a une pensée de machine ! Et le problème, qui rend les tests de Turing peu fiables et angoissant le métier de Blade Runner, c'est que les schizoïdes ont beau penser comme des machines, ce sont tout de même des êtres humains .

La crise se produit dans le roman quand le Blade runner se met à éprouver de l'empathie à l'égard d'une de ses proies. Cette faute professionnelle est à la fois facilitée et aggravée par une nouvelle donnée :
les fabriquants ont joué aux plus sophistiqués des androïdes un tour particulièrement vicieux, en implantant dans leurs programmes une mémoire factice qui leur fait croire qu'ils sont des hommes. 1l ont des souvenirs d'enfance, des émotions comme les hommes ... Rien ne les distingue de l'extérieur, mais aussi de l'intérieur ! Il ne savent pas, tout simplement qu'ils sont des robots. (c'est en gros, l'intrigue du roman)

Je viens de parler un peu de la vie de l'auteur et comment il utilise les faits quotidiens pour écrire des histoires de science-fiction. Ayant lu pas mal de romans et de nouvelles, je peux dire qu'une idée surtout transparaît dans la majorité de ses œuvres : l'illusion, le simulacre, la virtualité, ... tout ce qui s'oppose au réel. Il a même écrit des romans comme "les machines à illusion", ou les derniers survivants humain sur terre tentent de repousser les armées Ganymédiennes avec des hologrammes crées par une machine qui avait été décrétée très dangereuse par les savants qui l'avaient construite. Et les protagonistes du roman vont très vite comprendre pourquoi : au bout d'un moment, les hologrammes ne disparaissaient plus lorsqu'on éteignait la machine. de plus, les créatures crées semblaient vraiment vivantes, elles pouvaient vraiment manger, se battre, penser ... et elles ne disparaissaient qu'au bout de plusieurs semaines ... et le délais se rallongeait de plus en plus avant qu'elles ne retournent au néant l Mais irréels, illusoires, vont-elles le rester ??? . . .

Il faut aussi savoir que Dick était un toxicomane, et qu'il écrivait surtout sous l'influence d'une drogue comme des amphés, du LSD, ou d'autres substances équivalentes, 1l entrait dans un état second et il devenait capable d'écrire un roman en deux semaines avec une grosse boite d'amphés. Il se transformait en une machine programmée pour écrire de la science-fiction.
Pour commencer un livre, le trente-deuxième ou le trente-cinquième, il ne savait plus, mais il savait qu'il fallait le faire, pour gagner de l'argent et sinon quoi? Il écrivait alors comme si des termites s'agglutinaient pour donner certes pas vie à des personnages, mais des noms à des zombies. Trouver des noms, de vagues tics pour animer ces noms. C'était déjà ça : une façon de démarrer. Il avait développé une théorie selon laquelle le héros fort gagnait à porter un nom pluri-syllabique et l'éternel paumé dépressif à se contenter de deux syllabes, prénom compris.
Exemple : Phil Dick.

Il y aurait donc, cette fois, Glen Runciter, le patron, et Joe Chip, son subordonné fauché qui manquerait toujours des pièces de monnaies nécessaires pour faire marcher sa cafetière, ouvrir son réfrigérateur ou la porte de chez lui, et devrait dès le réveil parlementer avec d'inflexibles robots domestiques pour se faire accorder un crédit. bon truc pour caractériser quelqu'un, on pourrait s'en servir sans vergogne tout au long du bouquin. Rien de tel que ce genre de petites trouvailles pour mettre un livre en pilotage automatique : les termites s'activaient tout seuls. On pouvait aussi faire figurer à leur programme des instructions comme : décrivez les vêtements que porte chaque personnage, même secondaire, sans oublier que l'histoire se passe dans le futur.... Le genre d'ânerie qui justifie le mépris de certains lecteur pour la science - fiction.

"défendez votre intimité. Est-ce qu'un étranger n'est pas à l'affût de vos pensées ? Etes-vous vraiment seul dans votre cerveau ? Méfiez-vous des télépathes, mais aussi des précognitifs. Vos actes sont peut-être prédits par quelqu'un que vous n'avez jamais rencontré. pour mettre fin à votre anxiété. contactez le plus proche organisme de protection, qui vous dira si vous êtes victime, ou non, d'intrusions psychiques et les neutralisera pour un prix modéré."

Voilà, c'était un spot publicitaire de la société Runciter , qui régnait sur le prospère marché de la protection psychique. Télépathes, précognitifs, antitélépathes, antiprécognitifs, de quoi bricoler une intrique et bombarder Joe Chip, "testeur de champ psionique". un métier d'avenir !

Joe Chip était chargé par son patron de réunir une escouade de neutraliseurs, la crème de la crème, qui se rendrait sur la Lune afin de nettoyer les usines d'un certain homme d'affaire, infestées par diverses variétés de psys, malfaisantes au possible. Le recrutement des uns et des autres, tous plus ou moins schizophrènes, c' était toujours quelques pages de gagnées et encore se montrait-il raisonnable si l'on songe à des films très vantés, comme "Les sept mercenaires" ! qui ne racontent que cela, comment se forme le gang, et, quant à la mission, on I' expédie en vitesse, quelques coups de feu échangés pur la forme avant le générique de fin . Non, lui, consciencieusement, envoyait son petit monde de tarés sur la lune, où pouvoirs et anti-pouvoirs devaient s'affronter.

Normalement, les termites auraient dû s'en tirer sans trop de peine, ayant exécuté dix fois des programmes comparables. Mais il arriva quelque chose , d'un seul coup, il comprit qu'à la onzième ça ne marcherait pas. inutile d'insister. 11 ne servait plus à rien d'essayer d'empiler un mot sur un autre, comme dans son enfance il empilait ses Légo. Il parait que les cellules du cerveau commencent à mourir par millier dès la naissance, Peut-être que les siennes étaient toutes mortes, peut-être qu'il était mort...

Seuls de vagues souvenirs crevaient la surface ... Que se passait-i1 dans la tête d'un homme dans le comma ? son cerveau fonctionne toujours, alors que fait-i1 ???
Il se dit alors que tous les personnages du roman n'avaient qu'à mourir eux aussi, après tout ! Personne ne les regretterait et les occasions ne manquaient pas, si les usines lunaires grouillaient d'autant de dangers qu'il le prétendait. n'importe-quoi ferait l'affaire pour mettre un point final au livre, page 80.
11 suffisait que leur hôte, le propriétaire des usines, se présente pour leur souhaiter la bienvenue et, sans cesser de sourire, monte au plafond comme un énorme ballon. Que ce ballon se révèle être une bombe humanoïde à autodestruction. Et qu'il explose. Rideau !

La fumée se dissipe et chacun se palpe, stupéfait d'être vivant. Seul Runciter, le chef, est grièvement blessé. Joe Chip et les autres le transportent, s'échappant avec une inexplicable facilité de la souricière, regagnent leur vaisseau spatial, mettent Runciter agonisant dans une chambre froide avant de le cryoniser dare-dare dans le moratorium des Frères Bien-aimés.
joe et ses coéquipiers essayent en vain de comprendre ce qui leur est arrivé. le sens de cet absurde guet-apens. Il semble bien qu'ils s'en soient tirés, mais, bizarrement, c' est presque encore plus inquiétant ! Joe sort des cigarettes mais elles se brisent entre ses doigts, la fille dont il est amoureux se sent étrangement vieille, avant que l'on ne la retrouve, recroquevillé au fond d'une penderie, ratatinée, momifiée ...
Les distributeurs refusent les pièces de monnaies . Au lieu d'avoir l'effigie de Walt Disney, elles portent celle de Washington, qui n'a plus cours depuis trente ans .Quelque chose d'atroce est en train de se passer , et le pire, c'est que ce quelque chose n'est même pas cohérent. S'il s'agissait d'effets à retardement de la bombe, mais tout le monde est affecté. tout semble vieillir, revenir à des formes antérieures. ainsi, les télévisions se transforment en postes de radios... Est-ce qu'il n'existe pas de refuge ? , un Dieu pour les aider ?
Et Voici que quelque chose se manifeste, ou plutôt quelqu'un. L'effigie de Runciter apparaît sur une pièce de monnaie, sa voix se fait entendre à Joe, lointaine sur un fond de friture, dans un téléphone pas encore régressé: en accompagnant aux toilettes un de ses compagnons agonisant, littéralement dévoré sous ses yeux par la mort, joe remarque au dessus de l'urinoir un graffiti signé Runciter .

JE SUIS VIVANT ET VOUS ETES MORTS.

Joe devine alors la vérité: c'est lui, Joe, qui est mort sur la Lune. Lui et ses compagnons. On les a placés en semie-vie. leurs corps reposent dans des cercueils cryogéniques. De dehors, ils semblent dormir et peut-être qu'ils rêvent, mais du dedans, en fait de rêves confus, c'est le cauchemar où leurs vies et peut-être d'avantage que leurs vies sont en jeu, menacés par quelque chose d'effroyable. Voilà ce qu'inexplicablement Runciter a compris. Runciter qui a Survécu et, penché sur leurs corps inertes, se démène pour entrer en contact avec eux, leur venir en aide. Tous les moyens sont bons pour prendre pied dans le monde erratique des semis-vivants. Joe, découragé par la mort de son camarade, allume-t-il la télévision dans la chambre d'hôtel où il s'est réfugié, il tombe sur une publicité pour un nouveau produit ménager, vanté avec un entrain de professionnel aguerri par Runciter en personne.

" Fatigué du graillon ? une odeur de chou moisi s'insinue dans vos aliments ? une odeur de pourriture vous gâche la vie ? UBIK va changer tout cela ! ( il brandit un atomiseur de couleur vive. ) Une pulvérisation d'UBIK, modèle économique, et vous bannirez la crainte obsédante de voir le monde se transformer en lait tourné, en téléviseurs régressés, en ascenseurs hors d'âge, sans parler d'autres manifestations de décrépitude non encore advenues. Voyez-vous. ces détériorations constituent une expérience normale pour beaucoup de semi-vivants, particulièrement dans les cas où plusieurs systèmes mémoriels sont en fusion, comme votre groupe en offre l'exemple. Mais avec UBIK nouvelle formule, plus actif que jamais, tout est changé ! "

Et, sur un sourire commercial, Runciter disparaît. Joe se met donc en quête de l'atomiseur miracle, seul remède à l'entropie ( théorie de Dick selon laquelle toute chose tend vers le chaos, le néant, la dégradation ...)
Hélas, lorsqu'il parvient à le trouver, c'est sous la forme d'un élixir d'apothicaire parfaitement inefficace. Ironie affreuse : la substance capable d'enrayer le processus de régression lui est elle-même soumise .

Cette idée, quand elle lui vint, épouvanta Dick, Car cette substance miracle qu'il avait, par un pertinent paradoxe, présenté comme un introuvable produit de consommation courante, ne représentait pas simplement à ses yeux les pilules capables de restaurer sa maîtrise du monde mais, de façon beaucoup plus profonde, la puissance salvatrice qui nous arrache aux mâchoires de l'entropie, à la perversité du démiurge, à la mort.

Il s'était amusé, on amuse comme on peut ses termites, à placer en exergue de chaque chapitre du livre un slogan publicitaire vantant, à la manière de Runciter, une des multiples vertus du produit:

Le meilleur moyen de commander une bière, c'est de dire Ubik.
Ubik instantané possède tout l'arôme du café--filtre fraîchement moulu.
Ubik, en un clin d'œil, vous remet sur pied.
Vos dettes vous préoccupent ? Visitez la société d'épargne et de crédit Ubik.
Vos seins seront les plus beaux du monde avec le soutien-gorge Ubik.
Est-ce que j'aurais mauvaise haleine ? Si tu t'inquiète, Ed. c'est bien simple, essaie le dentifrice Ubik. !

Mais, approchant de la fin, au lieu de pasticher Madison Avenue, Il pasticha le prologue de Saint Jean (et un peul le premier poème du Toa-tö king):

Je suis Ubik.
Avant que l'univers soit, je suis?
J'ai fait le soleil et les mondes.
J'ai crée les êtres vivants et leur s demeures.
Ils vont où je veux, ils font se que je dis.
Je suis le nom et ce nom n'est jamais prononcé.
Je suis appelé Ubik mais ce n'est pas mon nom.
Je suis et je serais toujours.

Il écrivit la fin du livre dans la panique. Ce n'est plus qu'une course affolée, jalonnée de morts et de métamorphoses atroces, au long de laquelle Joe Chip essaie à la fois de mettre la main sur un flacon d'UBIK non encore régressé et d'identifier les puissances qui se disputent les limbes, "je ne crois pas que nous ayons encore rencontré notre adversaire face a face, et notre défenseur non plus.'

Dick se demandait quel visage donner au défenseur, dont Runciter n'est que le Représentant : des jeunes femmes secourables traversent la semi-vie, porteuses d'Ubik et de fragiles espérances, avant de disparaître dans un souffle. Elles laissent peu de souvenirs. Il savait très bien en revanche à quoi ressemblait l'adversaire. il avait souvent croisé en rêve son regard anxieux et cruel de rongeur psychotique.

Il lui donna, dans Ubik, le nom de Jory. c' est un enfant mort en bas âge, qu'on a placé en semi-vie au moratorium des frère bien-aimés. Doué, de par sa jeunesse, d'une énergie encéphalique plus grande que les occupants des autres caissons, il profite de la fusion entre leurs flux mentaux pour, littéralement, les dévorer comme un émetteur radio plus puissant que les autres dévore ses voisins de fréquence. Il façonne l'univers où se meuvent leurs consciences pour, au gré de sa fantaisie, les torturer, les égarer, les attirer dans un coin de l'immense toile qu'il a tissé à leur intention. Mort, il survit et accroît la puissance de la mort en absorbant ce qui reste de vie aux morts.
Cet enfant faisait partie d'un couple de jumeaux.

c'était un livre impossible à terminer. Dick, en général, avait le plus grand mal à écrire le mot "fin" parce que des histoires qu'il racontait, il ne connaissait pas le fin mot. Décider qui gagnait, de Jory ou d'Ubik, lui était impossible. tout simplement parce qu'il ne savait pas .

Une fois atteint le nombre de mots réglementaire passé lequel son programme cessait de tourner, il s'en tira par une vieille astuce, le recadrage final qui permet de conclure sans conclure. Il semblait acquis, à partir de la moitié du livre, que Joe et ce qui restait de son équipe étaient dans les 1imbes et Runciter en vie, dans un monde "extérieur. Devenu pratiquement irréel mais soustrait aux caprices de Jory le mangeur d'âmes comme à l'influence salvatrice d'Ubik. Et au dernier chapitre, en effet, on retrouve Runciter dans le hall du moratorium. Mais voici que pour prendre une tasse de café il sort de sa poche une pièce de monnaie, que la machine refuse.
Il l'examine : elle porte l'effigie de Joe Chip ...

Je me suis grandement inspiré du livre "Je suis Vivant et vous etes mort", Une biographie parue en france